mercredi 13 juillet 2011

35


Je passe devant Monsieur K***, gêné d’être si valide. Il me prend à partie par gestes, tu comprends, mal à la tête, le bras mort, la jambe faible, pas pouvoir baiser, c’est pas une vie ! J'abonde...

Je lance la conversation, s’il a des enfants. Me fait signe que oui, demande mon cahier et un stylo. Après quinze bonnes secondes de réflexion il trace un 2, difficilement. Et enchaine de suite sur un 5. « 25 ? C’est pas possible ! » Il acquièce, ajoute une jambe. "35". Naïf dans l’âme, je le crois un moment.

Il me fait signe de prendre un cahier à vues dans un porte-document. Son cahier de communication. J’ai sous les yeux toute son histoire… Ses deux prénoms, son âge. Comment il est venu de Turquie travailler sur les chantiers, il ne parlait pas encore français à l'époque. Enfin "parlait"...

Une dispute, coup de couteau dans la gorge (il me montre la cicatrice). Son agresseur, toujours en fuite, se planque au pays. Aphasie. Hémiplégie. En photo avec son chirurgien, avant l'opération, il a toujours ce bras en écharpe mais il est debout, mince, l'air vaillant. Sale contraste. Maintenant il a des crises d’épilepsie, des douleurs récurrentes, une insuffisance respiratoire. A son arrivée ici il était alité en permanence.

Au moins il y a du mieux. Il vit quand même à l'hôpital depuis 13 ans...

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