lundi 20 avril 2015

Limonov



C'est toujours dérangeant d'apprécier lire un auteur qui a eu des travers qu'idéologiquement tu ne pardonnerais à personne d'autre. Je l'ai vécu comme tout le monde avec Céline, je le vis à nouveau avec Limonov.

J'ai adoré le portrait qu'en fait Emmanuel Carrère. Je lis en ce moment avec grand plaisir son Le livre de l'eau. Du cul, du name dropping, des pays en guerre, une attitude de baroudeur un peu fat, des références à ses propres romans... Il se veut Ulysse voyageant loin, buvant sec, baisant des russes des polonaises des américaines des grosses. Un poète le pistolet à la ceinture. Souvent détestable, provocateur assumé, viril et bisexuel... Assez sympathique en somme.

Puis au détour du net Limonov en plein safari, avec pour guide Radovan Karadžić. Perché sur une colline, bien à l'abri, il écoute le criminel de guerre. Il l’interrompt même au milieu de sa tirade sur la protection nécessaire des serbes de Bosnie ("On a tiré, c'est bien les nôtres ?").

Limonov ensuite les lunettes collées à l'organe de visée d'une mitrailleuse lourde, bien calée, stable sur son trépied, tellement plus aisé pour atteindre le clocher que montre la vidéo en contrechamp.

Limonov qui tire comme, on l'y a invité. Quelques rafales bien trop longues pour incarner de façon réaliste le soldat qu'il a toujours rêvé d'être, depuis depuis qu'ado on lui a refusé une carrière militaire, parce qu'il est myope. On vise mal avec des lunettes.

Limonov pro-serbe tire sur Sarajevo encerclée. Coup de pub pour Karadžić. Il parle et l'écrivain célèbre écoute, acquiesce. Il parle surtout anglais ; ils pourraient échanger en russe, ce qui serait plus simple, mais ce jour-là on a filmé pour l'exportation.

Karadžić, qui n'arrive pas à joindre sa femme sur la radio de campagne, joue distraitement avec un petit chien, Limonov mitraille comme on pique-nique.

Je suis tenté de lui trouver des excuses (Régis Debray, le Che, le "You can't be neutral in a moving train." d'Howard Zinn) mais décidément je le préfère en opposant à Poutine...

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