vendredi 17 février 2012

Invisible

2008 ou 2009 ? Pizza Pino, à midi.

Moi d'attendre que la serveuse prenne ma commande. Inter dans les oreilles, immobilité quasi-parfaite, j'observe. Mes voisins tout autour sont des coquilles vides : je les aime tous, je les méprise tous. Sourires automatiques, politesse insincère, implantée. La confiance facile; ils me raconteraient tout d'eux.

Ils sont beaux à vomir, agités pour un rien, occupés d'un rien. Laids de mesquinerie et de petits calculs. Attachants.

Attachante la grand-mère attentive au bonheur de son petit-fils arrogant à gifler. Attachant, le cadre bedonnant à cravate rouge, chevalière au doigt. Attachant ce petit couple mièvre. Attachants, ces collègues que je me suis depuis empressé d'oublier. Attachante, ma serveuse...

Vieille-belle, teinture noir-corbeau. Méprisante de servilité, le "merci Monsieur" au bord des lèvres, le coeur au bord des miennes. Je devine la menace permanente, une hantise de se faire vider, remplacer par une blondinette plus "accorte" qui aurait le quart de son âge. Une qui nourrirait plus efficacement les fantasmes des quadras frustrés qui mangent ici en bande.

Ma vieille serveuse, tes mercis, tes cheveux. Ta peur de prendre un tir, peur de ton chef de salle. Je te regarde et tu te fous de moi comme des autres, on se remplit tous le ventre d'une même bouffe au goût de cendres. Que je sourie ou non ton salaire sera le même. Moi figé, toi qui cours. J'ai envie de me lever, de te secouer, de te mettre en colère... Mais je suis invisible.


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